Répartition des travaux dans le bail commercial
Les travaux peuvent constituer un poste de dépense très élevé dans le cadre d’un bail commercial. Il faut donc être particulièrement rigoureux et attentif aux stipulations du bail commercial afférentes à l’imputation des travaux.
La répartition de la charge des travaux a été largement modifiée par la loi Pinel du 18 juin 2014 et son décret d’application n°2014-1317 du 03 novembre 2014.
Jusqu’alors, la répartition des travaux était peu réglementée par la loi, ce qui laissait place à une grande liberté contractuelle. Ainsi, le bailleur avait tendance à transférer à son locataire la charge de certains travaux. Or ce poste de dépense pouvait s’avérer extrêmement élevé pour le locataire.
En conséquence, dans un souci de protection du locataire, la loi PINEL est venue préciser la liste des charges, travaux, impôts, taxes et redevances qu’il est possible ou interdit d’imputer au locataire.
La réforme instituée par la loi PINEL n’a pas vocation à s’appliquer à tous les contrats de bail, de sorte qu’il faut être vigilent sur la date de conclusion ou de renouvellement du contrat de bail.
En effet, la loi PINEL est applicable aux contrats de bail conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, date d’entrée en vigueur de la loi PINEL. Cependant, certaines dispositions, notamment celles relatives aux charges, ne sont applicables qu’aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 05 novembre 2014, date de l’entrée en vigueur du décret du 03 novembre 2014.
Un bail renouvelé est un nouveau bail. Dès lors, le bail renouvelé après l’entrée en vigueur de la loi PINEL et de son décret d’application, sera soumis aux nouvelles dispositions. Le bail renouvelé se verra donc appliquer les règles impératives de répartition de travaux.
En revanche, la Loi PINEL et son décret d’application ne sont pas applicables aux baux conclus avant 2014, lesquels demeurent sont soumis au régime antérieur.
Afin de répondre à la question de savoir comment s’effectue la répartition de la charge des travaux, il faut d’abord analyser les dispositions impératives prévues par la loi (I) avant de lister les éventuels cas d’aménagement en fonction de la nature des travaux (II).
Le Code civil prévoit des règles relatives à la répartition de la charge des travaux d’entretien et de réparations entre le preneur et le bailleur. Les dispositions prévues par le Code civil sont généralement appelées « droit commun du bail ».
Le statut des baux commerciaux vient préciser certaines obligations tenant au devoir d’information du bailleur et pose de règles impératives sur l’imputation des grosses réparations.
Le devoir d’information préalable du bailleur
Lors de la conclusion du contrat, puis tous les trois ans, le bailleur est tenu à l’égard du locataire, d’un devoir d’information relativement aux travaux.
Le bailleur doit communiquer, d’une part, un état récapitulatif des travaux qu’il a réalisés en précisant leur coût, et d’autre part, un état prévisionnel des travaux qu’il envisage de réaliser ainsi qu’un budget prévisionnel.
En cas de non-respect de cette obligation d’information, le bailleur ne pourra pas les imposer au preneur sauf s’ils revêtent un caractère d’urgence.
Les « grosses réparations » de l’article 606
Le bailleur est tenu d’une obligation de délivrance dont il ne peut valablement se décharger sur le locataire.
Au titre de cette obligation de délivrance, il est expressément interdit de transférer au locataire les dépenses relatives aux grosses réparations de l’article 606 du Code civil.
La jurisprudence considère que les travaux de l’article 606 du Code civil sont ceux qui touchent à la structure et à la solidité de l’immeuble. Il s’agit par exemple de la réparation des gros murs et des voûtes ou encore la restauration des poutres, de l’ensemble des couvertures, des murs de soutènement ou de clôture.
Ainsi par exemple, la jurisprudence considère que constituent des grosses réparations, les travaux de remise en état de l’immeuble après des inondations, ou encore les travaux de mise en conformité de toitures et de réfection de l’installation électrique dès lors qu’ils concernaient la structure et la préservation de l’immeuble.
L’interdiction du transfert des charges de l’article 606 a été introduite par le décret du 3 novembre 2014 n° 2014-1317, et est applicable aux baux conclus ou renouvelés à compter 05 novembre 2014.
Concernant les contrats de bail conclus avant le 05 novembre 2014, la jurisprudence admettait qu’une clause puisse obliger le locataire à supporter les grosses réparations de l’article 606 du Code civil, à condition qu’ils n’aient pas pour effet de transférer au locataire l’intégralité des obligations du bailleur.
À titre d’exemple, a pu être jugée valable la clause du bail qui comporte l’obligation pour le locataire d’effectuer tous les travaux de réparations locatives, d’entretien et tout autre travaux nécessaires au même titre que s’il était propriétaire de l’immeuble, à l’exclusion des gros travaux faits aux murs, du rétablissement des poutres et des réfactions entières de couvertures.
Concernant les baux renouvelés, il convient de préciser que si le bail initial pouvait valablement prévoir le transfert de certaines grosses réparations, ces dispositions contractuelles deviendront illégales à compter du renouvellement de ce bail intervenu après le 05 novembre 2014.
Non seulement le bailleur doit faire réaliser les grosses réparations, mais il doit également supporter les frais liés à ces travaux, sans pouvoir les refacturer à son locataire.
En effet, la loi précise que l’ensemble des honoraires liés à la réalisation de ces grosses réparations ne pourront pas être imputés au locataire. Ainsi, le bailleur qui aura fait appel à des maîtres d’œuvres, bureaux d’études techniques ou géomètres afin de procéder aux travaux de grosses réparations, devra en supporter la charge.
En revanche, la loi prévoit que les travaux d’embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l’identique ne sont pas des grosses réparations. Ces travaux, bien que non définis par la loi, concernent l’aspect esthétique de l’immeuble.
Le preneur devra donc supporter la charge des travaux d’embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l’identique.
Les travaux d’entretien et de réparation à la charge du locataire
En principe, le Code civil prévoit que le locataire est tenu des travaux de réparations locatives. Toutefois, la loi ne donne pas de définition précise et de liste exhaustive des réparations locatives.
Ces travaux s’entendent des travaux de menu entretien consécutifs à l’usage normal des lieux ainsi qu’aux travaux de remise en état rendus nécessaires par leur usage abusif.
À titre d’exemple, le locataire sera tenu des travaux de réparation de portes, de vitrages, de graissage des serrures ou encore de vitrification du parquet.
Sous réserve de respecter les règles impératives sur la répartition des travaux précédemment exposées, les parties peuvent conventionnellement prévoir des aménagements concernant par exemple les travaux d’aménagement, les travaux de ravalement, les travaux de mise aux normes ou encore de vétusté.
La charge des travaux d’aménagement
Le locataire peut souhaiter effectuer des travaux d’aménagement lors de son entrée dans les lieux. Dans ce cas, il est indispensable de prévoir en amont, lors de la conclusion du contrat de bail, une clause permettant au locataire d’effectuer les travaux d’aménagement qu’il souhaite.
En l’absence d’une telle clause, le preneur se verrait obligé de solliciter l’accord du bailleur afin de procéder à l’aménagement des lieux, et éventuellement de devoir s’acquitter d’éventuelles contreparties financières.
La charge des travaux de ravalement
Les travaux de ravalement s’entendent de la remise en état des façades d’un immeuble ou d’une maison.
La loi PINEL est venue modifier la répartition des travaux mais a vocation à s’appliquer aux contrats conclus après le 05 novembre 2014.
Ainsi concernant les contrats conclus à compter du 05 novembre 2014, les travaux de ravalement, s’analysant en « grosses réparations », doivent rester à la charge du bailleur.
Concernant les contrats conclus avant le 05 novembre 2014, la jurisprudence estimait que les travaux de ravalement étaient à la charge au bailleur. Toutefois, il était admis que le bailleur puisse imputer au locataire l’accomplissement de ces travaux, dès lors qu’ils n’affectent pas la structure de l’immeuble.
La charge des travaux de mise aux normes
Des travaux de mises aux normes peuvent être rendus nécessaires par la législation et la réglementation. De manière plus ponctuelle, ces travaux peuvent être rendus obligatoires suite à une injonction de l’Administration.
Des règles spécifiques sont prévues en matière d’établissement recevant du public, d’accessibilité aux personnes à mobilité réduite, d’hygiène ou de sécurité incendie.
En principe, les travaux de mise aux normes sont à la charge du bailleur. Néanmoins, le bailleur peut transférer la charge de ces travaux au preneur, à condition qu’ils ne relèvent pas des grosses réparations de l’article 606 du Code civil.
Lorsque les parties entendent procéder au transfert de charge de ces travaux, il est important que le contrat de bail précise et décrive expressément le type de mise aux normes à effectuer.
Il convient de préciser que si les travaux permettant de remédier à la vétusté touchent à la structure ou à la solidité de l’immeuble, alors la loi interdit formellement au bailleur de transférer la charge de ces travaux au preneur.
La charge des travaux en cas de vétusté
Il est normal que l’immeuble se dégrade au fur et à mesure que le temps s’écoule, cela même en cas d’utilisation normale. Il s’agit de la vétusté, définie comme l’usure normale de l’immeuble par le temps.
L’immeuble vétuste peut nécessiter des travaux de remise en état dont la charge varie en fonction des cas.
Le Code civil prévoit qu’on ne peut imputer au locataire les réparations locatives occasionnées par vétusté ou force majeure.
Ainsi, en principe, les travaux pour remédier à la vétusté sont à la charge du bailleur. Néanmoins, il est possible de prévoir des dispositions contraires. Le bailleur peut transférer la charge des travaux de vétusté au preneur, à condition qu’ils ne relèvent pas des grosses réparations de l’article 606.
En effet, lorsque les travaux pour remédier à la vétusté touchent à la structure ou à la solidité de l’immeuble, la loi interdit formellement au bailleur de transférer la charge de ces travaux au preneur.
Ainsi, le locataire pourra se voir transférer la charge de ces travaux dès lors qu’ils n’affectent pas la structure et la solidité de l’immeuble.
La charge des travaux relatifs à l’électricité
Plusieurs hypothèses peuvent donner lieu à des travaux qui touchent à l’électricité du local commercial.
Ainsi, le locataire sera tenu des travaux relatifs aux réparations locatives comme par exemple, le remplacement des interrupteurs ou de prises de courant.
En revanche, en présence de travaux de remise en état du système électrique imposés par l’administration, ces travaux suivront les règles des travaux de mises aux normes. Dès lors, en l’absence de clauses contraire, ces travaux seront à la charge du bailleur.
La charge des travaux de désamiantage
Les travaux de désamiantage ne sont pas considérés comme des grosses réparations de sorte qu’ils peuvent être mis à la charge du preneur, en vertu d’une clause expresse du contrat de bail.
La jurisprudence a récemment changé de position concernant les travaux de désamiantage rendus nécessaires par l’activité du preneur.
La jurisprudence avait pu admettre que les travaux de désamiantage étaient à la charge du preneur dès lors que le désamiantage avait été rendu nécessaire par des travaux d’aménagement que lui-même avait décidé.
Désormais, depuis 2018, la jurisprudence considère que le bailleur doit, au titre de son obligation de délivrance, prendre en charge les travaux de désamiantage et ses conséquences alors même que le désamiantage n’a été rendu nécessaire que par les seuls travaux d’aménagement du locataire.
La charge des travaux relatif au clos et au couvert
En principe, les travaux relatifs au clos et au couvert relèvent des grosses réparations, de sorte qu’elles incombent au bailleur. Toutefois, il convient de nuancer la nature de la réparation.
Concernant les fenêtres du local loué, leur réparation doit être à la charge du bailleur, dès lors qu’elles assurent protection du bâtiment contre la pluie.
En revanche, la simple réparation et le changement des fenêtres ne seront pas considérés comme des grosses réparations et pourront être imputables au locataire.
La toiture du local loué relève de l’étanchéité de l’immeuble, de sorte que sa réparation s’analyse en une grosse réparation au sens de l’article 606 du Code civil. Dès lors, pour les baux conclus ou renouvelés à compter du 05 novembre 2014, le bailleur ne peut valablement transférer la charge de la réfection de la toiture au locataire. Une telle clause serait réputée non-écrite.
La charge des travaux de climatisation
Les travaux relatifs au système de climatisation ne touchent pas au clos et au couvert et ne sont donc pas des grosses réparations.
Dès lors, une clause peut valablement prévoir à la charge du preneur l’entretien et le remplacement du dispositif de climatisation. En pareil cas le locataire qui a accompli le remplacement du système de climatisation ne pourra pas se retourner contre le bailleur pour en obtenir le remboursement.
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